La collectivité dans la Troisième Révolution Industrielle
VERS UNE NOUVELLE REVOLUTION INDUSTRIELLE
La Première Révolution Industrielle naît de technologies mécaniques utilisant la vapeur d’eau comme force motrice, permettant l’essor de transports rapides et augmentant la vitesse de communication tout en réduisant les coûts d’impression. Locomotives, presses rotatives et linotypes sont quelques-uns des outils mis à disposition, et ont favorisé l’alphabétisation de masse et la communication, en convergence avec une volonté politique d’enseignement public. Tout ceci contribue à faire émerger une main d’œuvre plus qualifiée et capable de mettre en place des processus complexes nécessaires au développement industriel.
Quant à la Deuxième Révolution Industrielle, elle naît de l’apport de l’électricité et du moteur à combustion interne; ces deux innovations ouvrent une ère de production de masse, et provoquent également un bouleversement des modes de vie observés jusqu’alors. Les dynamiques spatio-temporelles et sociétales sont renversées, avec la mécanisation des campagnes et du transport, ainsi qu’avec l’emballement des industries pétrolière et pétrochimique. D’autres modèles de communication et d’échanges se créent: téléphone, radio, télévision…
Mais le processus de la Troisième Révolution Industrielle commence bel et bien avec la création et la démocratisation d’Internet: grâce à cette nouvelle consommation de l’information, à cet accès immédiat et illimité à tous types de supports (audio, vidéo, écrit…), là encore, les mœurs subissent une petite révolution, menant à de grands effets.
La Troisième Révolution industrielle repose pour Rifkin[1] sur la création conjointe :
- d’un système distribué de production et distribution d’énergies renouvelables. Cette énergie (petit éolien, photovoltaïque, géothermie…) serait produite non plus dans de grandes centrales toujours source de dépendance, de risque et associées à d’importantes pertes en ligne, mais un peu partout et de manière décentralisée, directement sur les constructions (toitures, terrasses, murs, vitrages photovoltaïques, murs anti-bruit…) ou via les fondations (géothermie, puits canadien…) ;
- d’une capacité à stocker une partie de cette énergie (sous la forme d’hydrogène notamment), et à la redistribuer une partie de l’énergie ainsi produite de manière « décentralisée », par l’intermédiaire d’un réseau intelligent de type Smart Grid, sans émissions de gaz à effet de serre.
La Troisième Révolution industrielle devrait aussi susciter selon Rifkin une ère économique nouvelle qu’il qualifie d’ère du « capitalisme distribué » où des millions d’entreprises existantes et nouvelles ainsi que des propriétaires de logements et véhicules deviendront collaborativement des acteurs de l’énergie. Cette transition énergétique devrait être source de millions d’emplois dits « verts », accompagnant une nouvelle révolution technologique, augmenter considérablement la productivité, sans les inconvénients qu’elle a généré au XXe siècle, tout en atténuant la contribution de l’humanité au dérèglement climatique.
Ces cinq piliers sont :
1. La transition d’un régime d’énergies carbonées ou nucléaire vers les énergies renouvelables. Ces énergies ne sont encore qu’une faible part du bouquet énergétique mais elles se développent vite, leurs coûts diminuent, les rendant plus concurrentielles, surtout si on internalise les coûts environnementaux et de sécurité dans les sources dites « classiques » (pétrole, gaz, charbon et nucléaire).
2. La reconfiguration des infrastructures et bâtiments (180 millions de bâtiments rien qu’en Europe) en mini-centrales électriques collectant in situ des énergies renouvelables au profit d’une production décentralisée d’énergies, proche des endroits où l’on en a besoin. Des percées technologiques permettent déjà de multiplier des bâtiments à énergie positive. Des implications commerciales et économiques énormes concernent les secteurs de l’immobilier, des bâtiments et travaux publics et des autres Industries. De 2010 à 2035, des millions de bâtiments (maisons, bureaux, bâtiments publics, zones d’activité) pourront à la fois accueillir des gens et des activités, et produire de l’énergie à partir du soleil, du vent, de l’eau (énergie des vagues et des marées, hydroélectricité), des déchets organiques ou de la chaleur de la Terre (géothermie) pour eux-mêmes, en partageant le surplus là où il peut être utile.
3. « Installer dans chaque bâtiment et dans toute infrastructure de la société des technologies de l’hydrogène et d’autres moyens de stockage pour conserver l’énergie renouvelable intermittente, d’origine photovoltaïque notamment et garantir la satisfaction de la demande par une offre fiable et continue d’électricité verte. »
Pour maximiser les énergies renouvelables et en minimiser les coûts, il faut en effet rapidement développer des méthodes de stockage facilitant la conversion de source d’énergie intermittente dans des matériels fiables et partagés (ex. : batteries de véhicules pouvant faire l’objet d’un stock itinérant d’électricité, remontée d’eau par pompage-turbinage, stockage d’hydrogène qui semble être une solution d’avenir pour le stockage ou transport, etc.)
Ce sont des idées portées par Rifkin depuis 2002 au moins. En particulier, l’approche dite « V2H » fait des véhicules électriques personnels « une source accessoire d’énergie pour maintenir une alimentation électrique stable dans les habitations », sur la base du constat que ces véhicules ne sont utilisés en moyenne que 4 % du temps en 24 h.
Les batteries d’un véhicule en stationnement pourraient être utilisées comme unités de stockage immobiles (puis mobiles au moment de l’utilisation) et être exploitées selon les besoins (de l’habitat, du bureau, du réseau local, etc.). Cependant le système énergétique « bâtiment, véhicule électrique » est compliqué et sa « fiabilité et [sa] performance économique sont conditionnées par un pilotage correct et intelligent des ressources qu’ils intègrent.
Ceci ne vaut pas pour un véhicule d’administration ou d’entreprise (poste par exemple) utilisé à pleine capacité, mais pourrait être facilité par de nouveaux types de batteries.
4. Le développement de Smart Grid grâce à une technologie inspirée d’Internet connectant les réseaux énergétiques et électriques (devenus bidirectionnels) en un réseau unique et intelligent. Le réseau électrique sera son propre réseau informationnel. Ceci implique que toutes les mini-centrales de productions d’énergie soient équipées d’un module électronique, dans un esprit d’interopérabilité.
5. La transition des flottes de transport vers des véhicules hybrides ou à pile à combustible, pour tous les véhicules motorisés, chaque véhicule pouvant acheter et vendre de l’électricité en se connectant au réseau Smart Grid[]. Ce réseau est continental, marin (hydrogène ou électricité produits par les éoliennes offshore et l’énergie marine), ouvert et interactif.
Chaque batterie ou réservoir d’hydrogène de véhicule ou navire y joue aussi potentiellement : un rôle de réservoir « tampon » du réseau et un rôle de transporteur d’énergie. Tout véhicule connectable peut — selon les moments — prélever de l’énergie dans le réseau, ou lui en fournir (à partir de ses réserves inutilisées et–ou à partir de modules photovoltaïques).
[1] Jeremy Rifkin est souvent présenté comme le principal architecte de la Troisième Révolution industrielle, présentée dans l’un de ses ouvrages comme permettant de répondre à long terme au triple défi d’une crise économique mondiale, de la sécurité énergétique et du changement climatique. Rifkin a conseillé la Commission européenne et le Parlement européen.
Il a également conseillé le Premier ministre espagnol José Luis Rodríguez Zapatero quand celui-ci était président de l’Union européenne. Il a aussi été conseiller de la chancelière allemande Angela Merkel, du Premier ministre portugais José Sócrates et du Premier ministre slovène Janez Janša lors de leurs présidences respectives du Conseil de l’Europe, sur les questions liées à l’économie, au changement climatique et à la sécurité énergétique. Rifkin travaille actuellement avec les responsables européens pour aider à façonner à long terme une Troisième Révolution industrielle pour l’Union européenne. Jeremy Rifkin propose également ses services aux villes ou régions qui souhaiteraient développer le concept de Troisième Révolution industrielle au sein de leur territoire.
Ainsi, à partir de 2009, Rifkin et son équipe ont mis en place des master plans destinés à mettre en pratique cette Troisième Révolution industrielle pour les villes de San Antonio (Texas), Rome (Italie), Monaco et de la Province d’Utrecht (Pays-Bas) afin de favoriser la transition des économies de ces territoires et d’en faire les premières aires urbaines décarbonées dans le monde. Ce mouvement de planification vers une Troisième Révolution industrielle s’est étendu en 2012 à la France avec la commande par le conseil régional du Nord–Pas-de-Calais et la Chambre de commerce et d’industrie région Nord–Pas-de-Calais d’un master plan destiné à mettre en place les préceptes de cette révolution industrielle sur l’ensemble du territoire de la région Nord–Pas-de-Calais.
Sources:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Jeremy_Rifkin
http://fr.wikipedia.org/wiki/Troisi%C3%A8me_r%C3%A9volution_industrielle
http://www.lesinrocks.com/2014/10/11/actualite/jeremy-rifkin-11529262/
http://www.liberation.fr/terre/2014/10/21/la-troisieme-revolution-de-rifkin-n-aura-pas-lieu_1126521
Tags: collectivités, Communication, écologie, local, mondialisation, politique publique, révolution industrielle